IRME - Covid-19 : cellule de soutien psychologique pour les familles

COVID-19 et troubles cognitifs post-réanimation

Serons-nous en mesure de faire face aux besoins rééducatifs de ces patients ?

Le COVID-19, nouveau virus de la famille des coronavirus est responsable d’une pandémie mondiale actuelle. Ce virus qui a rapidement contaminé un très grand nombre de personnes peut entraîner dans les formes sévères une détresse respiratoire nécessitant une prise en charge en service de réanimation sans laquelle le risque de mortalité est élevé.

Selon une étude chinoise réalisée sur 138 cas à Wuhan (Wang et al., 2020), 31% des patients atteints du COVID-19 sont atteints de dyspnée, 20% présentent un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) et 12.3% ont besoin d’une ventilation mécanique, avec un taux de mortalité compris entre 30 et 60% pour ces patients admis en réanimation selon les premières observations internationales.

De par sa contagiosité très élevée, le COVID-19 aurait dû surcharger notre système de santé dont les services de réanimation ne disposaient pas de capacité de prise en charge suffisante. Cependant, dans un élan national de solidarité, des patients transférés dans d’autres régions moins touchées et grâce à la ré-allocations de ses ressources matérielles et personnelles, notre système de santé semble être en mesure de faire face à la crise.

 

Après cette vague jamais connue de patients pris en charge en réanimation se profile une « seconde épidémie », qui s’annonce plus silencieuse et risque de se présenter à la porte de nos services de santé et probablement saturer nos services de rééducation.

Il apparaît en effet que les patients ayant présenté des signes d’insuffisance respiratoire aiguë ou ayant nécessité une ventilation mécanique vont présenter une forte prévalence de déficits cognitifs, soit : 70 à 100% lors de la sortie d’hospitalisation, 46 à 80% à un an et 20% à 5 ans (Herridge et al., 2016 ; Wilcox et al., 2013). Ces patients rapportent une baisse de la qualité de vie à 6 et 12 mois par rapport à un groupe contrôle (Davidson et al., 1999 ; Needham et al., 2014) ainsi qu’un coût de santé plus élevé, des limitations physiques et la persistance de troubles psychologiques (Herridge et al., 2011). A un an, ces patients rapportent des troubles des fonctions exécutives, de mémoire à court terme, des signes anxieux et dépressifs majorés (Mikkelsen et al., 2009) ainsi que des signes d’état de stress post-traumatique (Hopkins et al., 2005). Les difficultés cognitives rapportées par les patients sont objectivés aux tests neuropsychologique à 2 ans avec 50% des patients qui présentent des troubles anxieux et dépressifs majorés et des troubles exécutifs, de mémoire et d’apprentissage inférieurs au percentile 6 pour 50% de ces patients.

 

Mécanismes physiopathologiques des perturbations cognitives

Les mécanismes occasionnant ces perturbations sont bien compris d’un point de vue physiopathologique et l’on retrouve trois causes d’altération cérébrale qui vont nécessairement se retrouver chez les patients COVID-19 atteints par un SDRA. L’une de ces causes est la conséquence directe du SDRA, les autres sont les conséquences des traitements du SDRA soit, la ventilation mécanique (VM) et la sédation. Ainsi, d’une part le SDRA est responsable d’une profonde hypoxémie dont les conséquences à court terme peuvent donner lieu à un delirium hypoxique au cours du séjour (Girard et al., 2018) et dont les conséquences cognitives à long terme sont retrouvés à 1 an principalement au niveau des fonctions exécutives et psychomotrices (Hopkins 1999). D’autre part, la VM est associée avec une baisse de la qualité de vie, sachant qu’un tiers de ces patients a des performances neuropsychologiques déficitaires aux tests à 6 mois et cela au niveau des capacités visuo-constructives, de la mémoire visuelle, de la vitesse psychomotrice et de la fluence verbale (Jackson et al., 2003). De plus, une VM prolongée nécessite la mise en place de traitements sédatifs et anesthésiques pouvant être responsable à court terme d’un délirium sédatif et de troubles cognitifs qui se retrouvent à 1 an (Girard et al., 2018). A ce sujet il est important de préconiser l’utilisation de médétomidine (Shah et al., 2017) qui diminue le risque de délirium étant donné que le recours aux benzodiazépines est associé à un risque élevé de délirium. Il est important de ne pas induire la survenue d’un delirium qui représente un important facteur de risque de chronicisation des troubles cognitifs.

 

Un certain nombre de facteurs de risque de déficits cognitifs chroniques

L’existence de troubles cognitifs préexistants constitue un facteur de risque de déficits cognitifs chronique qui prend du sens au vue des populations atteintes par le virus. Sachant qu’une personne sur trois âgée de plus de 65 ans présente des troubles cognitifs et que les troubles respiratoires sont surreprésentés chez les personnes de plus de 60 ans, il existe un risque important de voir une plainte persister chez ces patients.

La survenue d’un delirium au cours de l’hospitalisation constitue aussi un prédicteur du déclin cognitif à long terme et plus sa durée est longue plus les symptômes cognitifs sont sévères à 1 an.

Il existe donc un besoin d’évaluer de façon stricte la présence d’un antécédent cognitif qui est très souvent sous-évalué par les staffs de réanimation avec un questionnaire comme l’IQ CODE et de posséder un outil permettant de différencier la confusion d’une autre atteinte (ex. CAR-ICU)

 

Vers un besoin accru de prise en charge rééducative.

Afin de réduire l’impact de ces difficultés cognitives  sur le bien-être des individus rescapés du COVID-19, pour réduire l’impact sociétal de ces milliers d’individus qui une fois sortis de réanimation risquent de ne pas pouvoir reprendre leur vie sociale et professionnelle antérieure et de multiplier des consultations non-adaptés, occasionnant un surcoût pour notre système de soin et notre société, il est nécessaire comme a pu le faire notre système de santé lorsqu’il a dû s’adapter à la réalité du COVID-19 en mutualisant ses moyens là où il fallait sauver des vies, qu’aujourd’hui nous poursuivons le combat, afin que ces vies sauvées puissent retrouver une qualité de vie satisfaisante.

 

 

Adrien MASSON

Psychologue spécialisé en Neuropsychologie